La ville aux acacias by Mihail Sebastian

La ville aux acacias by Mihail Sebastian

Auteur:Mihail Sebastian [Sebastian, Mihail]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Mercure de France
Publié: 2020-10-02T08:57:05+00:00


CHAPITRE 2

Cello Violin

Adriana n’avait pas menti. Son départ pour Bucarest était une surprise. Elle ne s’y attendait pas, elle ne l’avait pas sollicité. Mais lorsque l’invitation d’aller y passer deux mois arriva, elle accepta aussitôt sans demander à réfléchir. Elle logerait dans la maison du jeune ménage Paul et Lucrétia Mladoïanou.

Leur mariage avait eu lieu depuis peu, après avoir été si longtemps reporté sous divers prétextes que les gens commençaient à douter de l’issue de trop longues fiançailles. Puis la décision était brusquement tombée et les noces organisées sans tarder. Le jeune couple était aussitôt parti à l’étranger en voyage de noces pour quelques mois. La dot avait été mise à profit pour l’achat d’une maison à Bucarest et la famille de Paul était chargée de la meubler en l’absence des jeunes mariés. Madame Mladoïanou, la mère de Paul, était venue s’y installer pour s’en occuper et surveiller de près les opérations. Comme elle appréhendait de se retrouver seule dans cette immense maison vide, elle avait télégraphié à D… pour demander qu’on lui envoie sa nièce Adriana.

À Bucarest, Adriana eut longtemps de la peine à retrouver son paisible rythme de vie de tous les jours. Elle avait sans cesse l’impression de n’être arrivée que pour repartir. Les journées passaient vite, toutes différentes, et elle, qui avait de vieilles habitudes, ne savait comment les reprendre, entourée d’objets nouveaux et de visages inconnus. Dans les rues, elle était éblouie par le bruit et la lumière, rentrait épuisée, doutant de la réalité des choses. Même la pièce où elle dormait n’avait pas l’air d’une chambre où l’on peut se retirer avec soi-même, à l’abri du souvenir de la rue et du vacarme de la ville. Les murs sentaient la peinture, les meubles le bois fraîchement raboté. Elle éprouvait la sensation d’attente et de légère inquiétude que donne une nouvelle maison où les objets sont provisoirement et mal installés, prêts à être encore déplacés. Les tiroirs de l’armoire étaient vides, les photographies de famille posées sans ordre, ici et là, les paniers avec des fleurs du mariage traînaient encore dans les coins. Il flottait dans toute la maison comme une atmosphère impersonnelle de chambre d’hôtel louée à la nuit et cela désorientait un peu plus encore Adriana qui se sentait étrangère. Elle ne regrettait pourtant pas d’avoir quitté D… et ne songeait pas à y retourner. Elle aimait bien ses promenades, ses nouvelles rencontres, les matins glacés qu’elle passait à patiner dans le parc de Cișmigiu, les soirées éblouissantes dans les salles de spectacle illuminées. Mais le soir, avant de se coucher, elle se sentait fatiguée ; elle aurait aimé freiner cette course folle de chaque jour, avoir une ou deux heures de répit, comme à D…

Elle pensait non sans plaisir, sans qu’ils lui manquent pour autant, aux après-midi passés là-bas à quatre autour de la table où ils prenaient peut-être encore le thé mais sans elle et se disait qu’elle devrait écrire un jour ou l’autre à Cécilia ou à Gélou.

« Demain, sans faute.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.